La vision Goethéenne de la plante, appliquée à la démarche scientifique.
Oui, bonjour, dis! Alors voilà, aujourd'hui, on va essayer d'aller un peu plus loin dans la vision spirituelle que l'on peut avoir des huiles essentielles, et par extension des plantes.
Sous vos applaudissements (si).
Pour la petite histoire, moi, tu sais, j'en ai synthétisé, des matières premières chimiques auxiliaires de synthèse. Ben oui quoi, je te rappelle que je suis chimiste avant tout! J'en ai fait, de l'anthranilate de méthyle, et j'en ai reniflé du citronnellal, avant même de savoir qu'ils étaient des molécules composantes de certaines huiles essentielles de citrus!
Ben tu sais quoi? Il paraît qu'en ajoutant telle et telle molécule artificielle, on peut arriver à recréer, par exemple, une odeur quasi-parfaite de jasmin. Si si.
Un peu de chromatographie en phase gazeuse de l'essence naturelle par ci, une petite décomposition en molécules individuelles par là, et hop! On reproduit du jasmin comme-si-tu-y-étais-à-Grasse, et taddaaaa! Le tour est joué.
Oui mais.
Comme tu ne la feras pas à un bon amateur de vin qui reconnaitra une année de production dans un grand cru, tu ne la feras pas à un vrai maître parfumeur, qui saura vite te démonter ton chouette travail et reconnaître parmi des dizaines de fioles LA vraie essence de jasmin extraite de la VRAIE plante.
"Mais pourquoi donc", si tous les composants sont les mêmes, tu vas me dire?
Alors je te répondrais: pourquoi, pourquoi dis-moi, te faire prendre en photo avec les statues du musées Grévin t'excite moins que de rencontrer en vrai un Georges Clooney sexy ou une Monica Bellucci toute en jambe?
Ben voilà, c'est pareil pour le jasmin. Le vivant est juste innimitable, il a une histoire, une profondeur qu'aucune matière élémentaire ne peut retranscrire.
Cette façon d'appréhender le vivant en le respectant, et non en le décortiquant façon dissection de grenouille, est appelé la "pensée Goethéenne".
Allez, reste un peu et lis mon article qui suit, meuh non c'est pas chiant!
;-)
****************************************************
Goethe était un auteur connu et reconnu dans le domaine de la littérature poétique. Sa réputation en tant qu'écrivain a quelque peu occulté ses actions et recherches dans le domaine scientifique, je n'en avais personnellement jamais eu vent avant de commencer mes cours d'aromathérapeuthe, et de pouvoir ainsi m'intéresser de près à ses écrits scientifiques.
Goethe prône l'approche vivante de la nature, et de façon générale la pensée intuitive de la science. Les démarches scientifiques sont bien trop souvent, selon lui, basée sur une méthode rigoureuse et matérialiste, réduisant les êtres vivants à de simples machines, tel que pouvait le faire le philosophe Descartes. Seuls les aspects quantitatifs, comme le poids, la mesure, sont pris en compte, au détriment des autres qualités que sont les couleurs, la forme, les odeurs, la texture etc.
Se rapprochant d'auteurs comme Aristote, pour qui "la matière elle-même n'a pas la faculté de produire la forme complexe d'un organisme", il se met à l'encontre de la science analytique qui s'intéresse uniquement à l'aspect matériel des êtres vivants, négligeant de s'intéresser à la nature spécifique du vivant.
Ainsi, Goethe approche l'analyse d'un objet par l'observation de cet objet, par le ressenti que l'élément lui inspire, et ne lui applique pas de méthode d'étude systématique. Il met en avant la perception sensorielle, et la capacité de nos sens à nous transmettre la réalité du monde.
Pour percevoir une plante, un objet, il faut l'appréhender avec étonnement, avec ouverture d'esprit, avec innocence et sans à-priori. Il s'agit d'observer aussi l'évolution de l'élément étudié au cours du temps, lors de son processus de croissance naturelle, et de ce fait assimiler sa dynamique spécifique.
Ainsi, la plante n'est pas un objet que l'on peut quantifier sans tenir compte de sa provenance, de sa méthode de culture, de son milieu. C'est un processus à part entière, avec une évolution propre à chaque espèce, qui se déroule dans le temps et n'est pas entièrement présent à un moment donné.
C'est un tout, un être à respecter avec ses particularités, une véritable essence de vie et pas seulement - par exemple - un moyen d'obtenir, par différents procédés d'extraction physiques, des molécules aromatiques actives.
Ainsi, aucune molécule aromatique synthétique, aussi bien formulée qu'elle soit, ne pourra reproduire à la perfection une molécule naturelle extraite d'une plante vivante, à qui la réalité sensible et la force de vie ont donné une complexité non reproductible artificiellement.
Au même titre qu'un animal empaillé ne peut plus être considéré comme l'animal dans sa totalité, puisqu'il est privé de l'essence de sa vie, de ses instincts et de ses réactions, bref: de ce qui fait lui un être à part et unique, une plante ne peut être réduite à une simple odeur, une simple enveloppe ou une simple couleur. Elle est un tout vivant, complexe, qu'il faut prendre en compte dans sa totalité pour arriver à en saisir sa nature spécifique, ses particularités, ses propriétés médicinales.
Par extension et pour essayer de projeter ce type de pensée à notre vie quotidienne, je pourrai mettre en exergue le stress ambiant et omniprésent dans notre société actuelle, notamment dans le monde du travail.
La société nous assimile bien trop fréquemment, et depuis trop longtemps, à des machines dont la seule santé physique retranscrit la capacité à être productif ou non dans son travail.
Or, et les évènements récents l'ont bien démontré, l'homme - au sens large du terme - doit être considéré dans sa globalité, comme un être vivant avec sa propre sensibilité émotionnelle et son ressenti psychologique, pas seulement comme un collaborateur compétent et dynamique.
Négliger la totalité de l'individu, considérer un aspect spécifique au détriment d'une approche humaine plus sensible, peut nous faire évoluer dans un monde matérialiste dépourvu d'émotions. La satisfaction personnelle de réussite professionnelle est bien vite effacée par un manque de reconnaissance globale de notre personnalité en tant qu'être humain. Et peut s'en suivre les dépressions et autres malaises de vie qui font, malheureusement, parfois les titres des journaux de faits divers.
La médecine actuelle, médecine du travail incluse, semble aujourd'hui prendre en compte, de plus en plus, le ressenti psychologique et la sensibilité des patients, et plus seulement ses analyses médicales physiques.
Nous dirigeons-nous vers une éthique appliquée à l'approche médicale?
Alors, peut-être verrons-nous aussi un jour une approche éthique similaire, appliquée à une science encore bien réductionnniste, et par trop mécaniste.
Sophie Deldon-Martoscia